Publié le 6 août 2019 Mis à jour le 27 août 2019

Nous mesurons le chemin parcouru depuis l’association de préfiguration Campus Condorcet et la Fondation de coopération scientifique, […], et déjà alors présidées par Jean-Claude Waquet, jusqu’à la signature du contrat de partenariat avec le groupe Sérendicité en mars de cette année. »

Cher Jean-Claude,
Le 28 juin dernier, à l’occasion du dernier conseil d’administration de l’établissement public Campus Condorcet que tu présidais, les collègues chefs d’établissement m’ont demandé de prendre la parole pour t’adresser nos remerciements avant que Jean-Marc Bonnisseau soit élu pour te succéder. Je l’ai fait bien volontiers, en tant que président de l’établissement dont tu es un enseignant chercheur et que tu as toi-même présidé. Je l’ai fait à la suite d’autres membres du conseil d’administration qui, au nom des collectivités territoriales, au nom du conseil scientifique, au nom des étudiants, t’avaient dit leur gratitude pour tout le travail que tu as accompli.
Au risque de la répétition – mais nous sommes ici dans un cadre différent –, je voudrais exprimer à nouveau la gratitude et l’admiration que nous éprouvons en considérant les résultats déjà obtenus, mais aussi les compétences manifestées et les qualités déployées par le pilote que tu as été.

Sans remonter à la genèse du projet sinon pour associer Danièle Hervieu-Léger à l’expression de notre reconnaissance, nous mesurons le chemin parcouru depuis l’association de préfiguration Campus Condorcet et la Fondation de coopération scientifique, créées respectivement en février et en décembre 2008, et déjà alors présidées par Jean-Claude Waquet, jusqu’à la signature du contrat de partenariat avec le groupe Sérendicité en mars de cette année.
Au départ, huit membres fondateurs (Centre national de la recherche scientifique, École des hautes études en sciences sociales, École nationale des chartes, École pratique des hautes études, Institut national d’études démographiques, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris 8 Vincennes – Saint-Denis, Université Paris 13 Nord), rejoints en 2009 par la Fondation Maison des sciences de l’homme et en 2011 par l’Université Sorbonne Nouvelle Paris 3.
Il y a le lent travail de recherche et d’obtention des financements, de l’État, de la région Île-de-France, des communes de Paris et d’Aubervilliers ; et parallèlement les démarches administratives et juridiques pour réunir les terrains du site d’Aubervilliers, et les travaux de démolition des bâtiments.
Il y a la patiente élaboration du programme architectural et urbanistique, avec les études confiées à l’agence Panerai et associés ; la définition progressive des différents éléments qui le composeront : grand équipement documentaire, centre de colloques, hôtel à projets, faculty club, espaces pour les unités de recherche, sièges administratifs de trois établissements, logements étudiants, crèche, … ; la combinaison un peu subtile entre le site de La Chapelle dédié à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne et le site d’Aubervilliers proprement dit, dont les éléments se déclinent en différents contrats (GED et bâtiment EHESS en MOP, Campus en PPP) – avec toutes les conséquences engendrées en termes de cohérence de l’ensemble et de calendrier.
Il y a la mise en place d’une programmation scientifique, avec le conseil scientifique international présidé par Jean-Claude Schmitt, directeur d’études à l’EHESS, et les cycles de conférences publiques ; l’hébergement de Biblissima, Equipex dirigé par Anne-Marie Turcan, directeur d’études à l’EPHE ; les projets de coopération, la réflexion en cours sur ce que signifie bâtir un « campus des humanités et des sciences sociales » au nord de Paris à la fois sur le plan pratique, en termes d’urbanisation, et sur le plan épistémologique, en terme de nécessaire réflexion sur la définition que nous nous donnons des SHS aujourd’hui.
Il y a le concours pour le GED, organisé par la Région Île de France et remporté par l’agence Elizabeth et Christian de Portzamparc ; puis le concours pour le reste du campus, avec la sélection au départ de quatre agences d’architecture et le choix du groupement Sérendicité ; les nombreuses réunions de concertation, avec les membres fondateurs et avec les collectivités territoriales ; le concours pour le bâtiment de l’EHESS, qui a vu la sélection du projet de Pierre-Louis Falocci.
Et tant d’autres points aussi épineux que l’évolution du statut juridique de l’établissement public, le dossier fiscal, la nécessité de convaincre nos interlocuteurs de programmer la deuxième phase, tous les aspects techniques qui vont des préoccupations environnementales (dépollution des terrains, espaces verts, consommation énergétique…) aux questions de sécurité en passant par toute la problématique, si essentielle, de l’accompagnement du changement, et donc du dialogue avec les personnels des établissements censés venir travailler à Condorcet.

Si je me suis un peu attardé sur cette énumération (qui est loin de prétendre à l’exhaustivité), c’est qu’elle illustre à nos yeux la multiplicité des compétences qu’il t’a fallu mettre en œuvre pour piloter ce projet. Il fallait tout étudier, jusqu’au moindre détail matériel, technique, pratique, juridique, fiscal. Mais il ne fallait pas perdre de vue la vision d’origine, le projet avec son ambition universitaire en formation et en recherche, avec sa dimension d’aventure humaine, politique et sociale.
Compétences donc, mais aussi qualités. Au cours du conseil d’administration du 28 juin le préfet Jean-Pierre Duport les a résumées dans le triple P du Partenariat Public Privé. PPP : patience, persévérance, pugnacité. L’historien de François de Callières (1645-1717), auteur d’un traité De la manière de négocier avec les souverains, voudra bien agréer l’éloge de celles et ceux qui l’ont vu négocier avec les pouvoirs publics ; et, sans se prendre eux-mêmes pour des rois – du moins faut-il l’espérer –, l’admiration de celles et ceux avec lesquels il a déployé ce talent, pour ne pas dire cet art. Durant toute ta présidence, tu as fait avancer les dossiers avec d’autant plus d’efficacité que tu faisais montre d’une immarcescible impartialité. Et nous savons que Jean-Marc Bonnisseau, qui a le courage de prendre ta succession, est animé du même esprit.

Celles et ceux qui ont été reçus dans le bureau de Jean-Claude Waquet à la MSH Paris Nord savent qu’y trône en bonne place un buste du baron Haussmann (qui, soit dit par parenthèse, étudia au lycée Condorcet). Je ne suis pas sûr qu’il faille pousser un parallèle entre le préfet de la Seine qui transforma si profondément le Paris du Second Empire et toi, Jean-Claude, qui as consacré toute ton énergie sinon à bâtir, du moins à rendre possible la construction de ce campus des humanités et des sciences sociales. Du reste, le buste est jaune phosphorescent (pour des raisons sur lesquelles il serait trop long de revenir ici) : comme s’il fallait savoir faire preuve d’humour et de distance lorsque des hommes entreprennent d’en statufier d’autres. C’est la raison pour laquelle je m’arrête, non sans t’avoir redit la gratitude de tous les membres fondateurs, de tous les partenaires de cette entreprise exceptionnelle, de tout l’équipage de ce navire que tu as piloté contre vents et marées et dont tu quittes la barre au moment où, penses-tu, il risquerait de s’identifier par trop à son capitaine.