Publié le 18 février 2025 Mis à jour le 18 février 2025

Cette journée d'études est organisé le Centre d’études en sciences sociales du religieux (CéSor, CNRS-EHESS), Centre de recherches sur les arts et le langage (CRAL, CNRS-EHESS), Centre des savoirs sur le politique. Recherches et analyses (CESPRA, CNRS-EHESS)

Date(s)

le 28 février 2025

de 7h30 à 16h30
Lieu(x)

Bâtiment de recherche Nord

Type(s) d'évènements

Dans cette journée d’études, nous cherchons à penser le rôle des créations littéraires et artistiques dans des situations de violence extrême. Certaines de ces œuvres tendent, évidemment, à restituer l’événement du terrible en mots, en objets ou en images, dans un souci de fidélité aux faits, afin de contrer la négation et l’oubli. D’autres reconfigurent l’événement à travers la fiction, l’esthétique ou la poésie, accordant ainsi un rôle fondamental à l’imagination dans l’intelligibilité de la violence extrême comme dans la résistance à son emprise. Par le travail de l’imagination, d’autres œuvres cherchent encore à produire une désidentification avec le réel de l’anéantissement, ce qui revient à envisager un devenir-autre des survivants et des disparus, et à reconfigurer le monde naufragé par un travail de création du possible, là où tout semble détruit.

Dans un premier moment, nous abordons la question de la fiction littéraire face à la violence extrême.

« Après Auschwitz, on ne peut écrire que de la fiction », indique l’écrivain hongrois Imre Kertész. Cette affirmation provocante est difficilement recevable dans une perspective positiviste, lorsque la fiction est considérée comme inadéquate à la tâche de restituer la « vérité » du réel génocidaire. Mais cette parole pourrait également être entendue comme définissant la tâche même de l’œuvre littéraire, quand celle-ci se confronte à l’indicible, à l’insoutenable. Parler ici de fictionnalisation, c’est parler de multiples formes de créations, oscillant entre une fiction intégrale, qui ne se réfère pas à une expérience vécue, et les formes littéraires les plus intimes du terrible, expérimenté à la première personne. Quels rapports au réel ces multiples formes permettent-elles d’envisager ? Quels déplacements le travail de la fictionnalisation opère-t-il envers l’indicible aussi bien que l’insoutenable ?

L’interrogation vaut également, dans un deuxième temps, pour les images photographiques, filmiques, ainsi que pour les œuvres plastiques réalisées dans les champs de batailles, lors des massacres, dans les camps, ou dans l’après-coup. Dans quelle mesure ces images documentent-elles l’événement, là où les différentes interprétations de ce qui est en jeu font rage ? Comment porte-t-on son regard sur l’insupportable de la violence que ces images laissent transparaître, dissimuler, ou reformuler ? Il s’agit ici d’aborder leur dimension politique, leur pouvoir de témoigner, agir, mobiliser ou monopoliser. Il s’agit en même temps de s’interroger sur les esthétiques que ces œuvres esquissent pour un monde effondré, ainsi que sur le rôle qu’elles jouent dans la transformation du réel.

Dans un troisième moment, notre journée d’études souhaite aborder la question des traces reconfigurées dans l’art. Il s’agit à la fois d’interroger les restes les plus tangibles de la destruction, les armes, et de penser ce qui reste de la chose la plus insaisissable après la mort des témoins, mais aussi après l’anéantissement de celles et ceux qui n’ont pas pu témoigner : les fantômes. Quels nouveaux rapports à la mort le traitement artistique de l’objet de la destruction permet-il ? Quelles formes de survivance les restes fantomatiques des disparus instaurent-ils ? Quels appels pourrait-on entendre des sujets-fantômes lors du retour des spectres des morts ?

Comité scientifique : Cécile Boëx, Nibras Chehayed et Christian Ingrao

Programme

Ouverture (9h30-10h00)
Pierre Antoine Fabre

 Table ronde 1 : Les écritures de l’expérience génocidaire (10h00-12h00)

« Que signifie le refus de témoigner d’un écrivain », Catherine Coquio
« Écrire le réel de l’expérience de la violence génocidaire : une fiction nécessaire », Richard Rechtman
« Voix étouffées, voix transmises : l’écriture face au silence », Asia Kovrigina En discussion avec Tiphaine Samoyault

 Table ronde 2 : Ce que « disent » les images (13h30-15h30)

« Traces de la violence de masse dans le paysage », Luba Jurgenson
« La déprise idéologique par la fiction : A propos de Rendez-vous avec Pol Pot de Rithy Panh » Soko Phay
« Le témoignage artistique et le statuts de victime : rapport avec les institutions », Najah Bukaï
En discussion avec Vicente Sánchez-Biosca

 Table ronde 3 : Persistances, métamorphoses et survivances (16h00-18h00)

« Reste à lire, reste à voir », Georges Didi-Huberman
« La Grande Guerre sur une canne de soldat sculptée en 1917 », Stéphane Audoin-Rouzeau
« Spectralité : une esthétique pour les revenants de la mort », Nibras Chehayed En discussion avec Caroline Callard

 Clôture (18h00-18h30)

Cécile Boëx et Christian Ingrao