Publié le 12 décembre 2024 Mis à jour le 12 décembre 2024

Cette séance des Lundis de l'Ined est animée par Julie Jarty (maîtresse de conférence en sociologie à l’université de Toulouse, correspondante égalité Certop-CNRS); discutante : Mathilde Cohen (professeure de droit à l’université du Connecticut, chercheuse invitée à l’IEA Paris 2024/2025).

Date(s)

le 20 janvier 2025

de 11h30 à 12h30
Lieu(x)

Bâtiment de l'Ined

Type(s) d'évènements

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Dans cette intervention, j’explorerai l’idéologie reproductive des « 1000 jours », qui postule justement que la santé des générations futures dépend des comportements de santé (notamment alimentaire) des corps gestants. S’appuyant sur l’épigénétique et la science des origines fœtales, cette idéologie anticipatrice stipule que les femmes enceintes sont responsables non seulement de la santé à venir de leurs fœtus, mais aussi de leur descendance, en raison de l’impact intergénérationnel des choix alimentaires et environnementaux. La santé fœtale justifie alors une surveillance médicale accrue de la grossesse, en ciblant des risques tels que l’obésité, les cancers ou les troubles neurodéveloppementaux.

J’examinerai plus précisément comment cette approche est appréhendée par des soignant·es intervenant dans la période prénatale, m’appuyant sur les résultats d’une enquête qualitative auprès d’une cinquantaine de périnatalistes (notamment des sage-femmes, gynécologues-obstétricien·nes, diététicien·nes et diabétologues) qui exercent dans des structures publiques et privées, en zones urbaines et rurales (« déserts médicaux »), auprès de publics diversifiés. Je montrerai en quoi cette nouvelle assise donnée à la surveillance scientifique des fœtus renforce en effet l’intrusion médicale mais aussi et surtout, la catégorisation sociale des patientes. Mal armé·es pour faire face aux injustices reproductives, les périnatalistes contribuent aussi parfois à les accentuer.

Ce faisant, il s’agira de cerner, d’une part, en quoi cet apparent « pouvoir d’agir » sur les enfants à naître normalise une charge mentale accrue dès le projet d’enfants (pesant sur les femmes en premier chef). Il s’agira d’autre part de penser un autre phénomène sous-jacent, celui de la stigmatisation sociale et raciale de celles qui, faute de moyens, s’écarte d’une nouvelle norme procréative, suivant une logique frôlant l’eugénisme.