Publié le 16 décembre 2025 Mis à jour le 16 décembre 2025

À l’occasion de la parution en français de son livre, Prendre la parole (Éditions Agone, janvier 2026), Alessandro Portelli est invité à débattre, avec les historiens Fabien Archambault (CHS, Paris 1), Marion Henry (CHS, Paris 1) et Xavier Vigna (IDHES, Paris Nanterre), des luttes sociales et des cultures ouvrières.

Date(s)

le 2 février 2026

de 16h à 18h
Lieu(x)

Centre des colloques

Type(s) d'évènements
« C’était ma première interview dans le cadre d’un projet d’histoire orale des mineurs des Appalaches et l’une des premières fois que j’interrogeais des Noirs. Ce fut le révérend Cowans qui posa la première question : “Est-ce que tu es inscrit à l’United Mine Workers ?” – le syndicat des travailleurs des mines. Je lui expliquai qu’en Italie j’avais la carte du syndicat des enseignants et la narration de l’histoire put commencer. “Alors, dans les années 1930, quand j’ai commencé à travailler dans les mines, je n’avais pas encore treize ans, quatorze plutôt, parce qu’à l’époque, on te prenait à n’importe quel âge. Et tu travaillais dans toutes sortes de conditions oppressives. Je veux dire, pas de syndicat, et eux ils avaient des gardes armés. Je veux dire, ils allaient voir le shérif du comté, il les nommait ses représentants, et l’entreprise versait leur salaire.” Cette première partie du récit relevait de plusieurs facteurs : en tant que prédicateur et syndicaliste, le narrateur avait une longue expérience de l’art oratoire ; il était aveugle (en conséquence d’une blessure de guerre), et c’était donc plus facile pour lui de faire abstraction des réactions de ses auditeurs ; nous ne l’interrompions pas par des questions. Il nous livre donc un discours déjà largement éprouvé, une performance publique qui se transforme en dialogue plus personnel uniquement quand sa femme prend à son tour la parole. »

Ce recueil constitue à la fois une somme polyphonique du travail d’Alessandro Portelli et une introduction à son œuvre, inédite en français. Le livre repose sur deux lignes directrices.
La première est d’ordre social et politique : elle aborde l’histoire de la ville ouvrière et de l’usine en Italie, en lien avec l’histoire des conflits sociaux et politiques à l’époque contemporaine ; elle se déploie également vers l’analyse de l’histoire syndicale et des luttes pour les droit civiques aux États-Unis.

La seconde ligne directrice est celle du rôle de l’histoire orale comme moteur du récit historique et comme révélateur des pratiques de la langue. La richesse des terrains s’étend à l’étude des musiques populaires américaines et italiennes ; à l’histoire de la résistance ouvrière italienne pendant la Seconde Guerre mondiale face aux répressions fascistes ; à l’histoire de conflits plus récents et des mouvements étudiants contemporains. Ce recueil est notamment constitué des matériaux inédits issus des deux terrains majeurs de Portelli : la mémoire ouvrière des mines de la région des Appalaches à Harlan County (Kentucky, États-Unis) et celle de la ville sidérurgique de Terni (Ombrie, Italie). Ces deux terrains ont fait l’objet de publications de référence que nous avons prévu d’éditer à la suite de ce recueil (en 2026 et 2027).