Publié le 12 mai 2025 Mis à jour le 12 mai 2025

Ce colloque est organisé par IRN LAFITA « La vie sociale et politique des mots en contexte de révolution et de guerre », l'ERC LIVE-AR « The subsequent lives of Arab revolutionaries », le Ceped, l'IRD, le CéSor, l'EHESS et le CNRS.

Date(s)

du 26 mai 2025 au 27 mai 2025

La chute du régime de Bachar al-Assad le 8 décembre 2024, conséquence de l’offensive militaire rebelle fulgurante menée par Hayat Tahrir al-Cham (HTC), était inespérée. Affaibli par un mouvement de révolte sans précédent et par la lutte armée qui s’en est suivie, le régime a en effet réussi à survivre pendant treize longues années grâce, d’une part, au soutien politique et militaire de ses alliés iraniens et russes et d’autre part, au recours à une violence répressive de masse associée à une économie de prédation. L’exil et le déplacement forcé de plus de la moitié de la population, le système carcéral, le quadrillage sécuritaire des territoires, les expropriations de terres et de biens et le narcotrafic ont disloqué la société et le territoire et drainé les flux de capitaux et de marchandises vers les seigneurs de guerre, les hommes d’affaire affiliés au régime et leurs multiples intermédiaires. Une économie de la ruine, inscrite dans un double mouvement de pillage et de reconstruction (que l'on pense à Marota City et Basilia City à Damas), a ainsi progressivement vu le jour, contribuant non seulement à accentuer la déstructuration du tissu social et urbain, mais aussi à effacer une partie des traces des violences guerrières.

Comment un pays peut-il se reconstruire (socialement, politiquement et économiquement) après une telle dévastation ? Ce colloque propose de réfléchir collectivement et dans une approche comparative aux dynamiques socio-politiques qui émergent dans la Syrie post-Assad. Il souhaite mettre en lumière les modes d’action et de pensée qui émergent dans cette situation inédite et chargée d’enjeux multiples, dont notamment la sortie de la violence et la (re)construction d’une société/identité nationale. Le foisonnement des initiatives en cours n’apparaît pas ex-nihilo : amorcées avec le mouvement de révolte de 2011 – parfois sur la base de réseaux et de projets plus anciens - elles ont été reconfigurées par les différentes phases du conflit, en Syrie et en exil. Il s’agira donc aussi de réinscrire cette séquence de transition dans le temps long et de mieux comprendre les modalités transnationales des bouleversements en cours.

La première journée sera consacrée aux effets de la violence, au traitement de la masse de documents qu'elle a engendré collectés pendant le conflit (dont certains sont désormais conservés) et à la nécessité de justice. Comment établir les responsabilités des crimes commis ? Quelles instances et formes de justice peuvent émerger dans le pays au regard des différents degrés de complicité avec les tueurs ? Comment penser la cohabitation et le voisinage ? Qu’en est-il aussi des disparus et des deuils suspendus ? Ces questions seront abordées dans une perspective comparative à partir de différents contextes post-guerriers ou post-génocidaires comme l’Amérique Latine, le Rwanda ou l’Ex-Yougoslavie. La deuxième journée de ce colloque portera sur les nouvelles formes d’engagement et d’organisation et les tensions qui traversent divers aspects de la reconstruction économique, politique et sociétale. Cette reconstruction s’inscrit dans des territoires fragmentés, à l’échelle des villes mais aussi de quartiers qui ont vécu des réalités extrêmement différentes articulées autour de logiques locales, économiques et guerrières singulières. Cette phase transitoire voit également l’émergence de nouveaux modes d’organisation - syndicaux et associatifs, qui concernent des secteurs spécifiques de la société comme les avocats, le droit des femmes ou les professionnels de la culture. Comment conçoivent-ils leur rôle, leur statut et leurs activités et quelle est leur marge de manœuvre ? Il s’agira enfin d’interroger les modalités de production du savoir en et sur la Syrie. Alors que l’université syrienne a été minée par plus plus de cinq décennies d’idéologie baathiste et de corruption, la recherche académique s’est délocalisée principalement en Europe et aux États-Unis à laquelle s'ajoute un savoir expert qui s’est développé, surtout après 2011, en Turquie et au Qatar. Qu’elles sont les modalités de cette transnationalisation du savoir tout comme les perspectives de refonte de l’université en Syrie et de coopération ?

Programme

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