Publié le 9 février 2015 Mis à jour le 2 août 2022

Daniel Fabre, EHESS

Conférence donnée le 9 février 2015 dans le cadre du Cycle 2014-2015 des Conférences Campus Condorcet : « Filles et garçons : Le genre fait-il la différence ? »


Les sociétés rurales européennes depuis l'époque moderne ne connaissent pas les grands rites initiatiques qui marquent, dans d'autres sociétés, le passage à l'âge adulte. Pourtant la distinction entre les deux sexes et l'accès à la maturité sociale sont des principes centraux dans l'organisation et la reproduction des sociétés villageoises du vieux continent. L'initiation y est donc remplacée par un trajet initiatique discret et même invisible. Il passe, pour les garçons, par des expériences de transgression des frontières – entre sauvage et domestique, vivants et morts, masculin et féminin. On les voit se manifester avec force au moment du carnaval. Les filles, pour leur part, apprennent à donner sens aux transformations qui adviennent dans leur corps en interprétant, en particulier, certaines techniques du travail féminin. Cette séparation, profonde, se convertit quand vient l'âge de la fréquentation amoureuse. Alors, les deux sexes se rencontrent et trouvent dans les langages qui les identifient et les séparent les éléments d'une communication et d'un rapprochement. À moins que, figés dans le passage qui les a fait grandir, certaines filles et certains garçons ne s'installent dans une forme de folie. La folie de ceux dont le trajet initiatique s'est interrompu.
 

Pour en savoir plus

« Le triangle des masques », D. FABRE, dans Le monde à l'envers. Carnavals et mascarades d'Europe et de Méditerranée, catalogue de l'exposition, MUCEM, Marseille, 2014
« Alphabets initiatiques », p. 673-682, L. DESIDERI, Ethnologie française, n°4, 2003
« La voie des oiseaux », p. 7-40, D. FABRE, dans L'Homme 26, n°99, Persée, 1986
« Le garçon enceint », p. 15-39, D. FABRE, dans Cahiers de littérature orale, n° 20, 1986
Façons de dire, façons de faire, Y. VERDIER, Gallimard, Paris, 1979