Publié le 19 juillet 2019 Mis à jour le 27 septembre 2019

Éric Michaud, EHESS

Conférence donnée le 10 décembre 2012 dans le cadre du Cycle 2012-2013 des Conférences Campus Condorcet : « L’image en danger : destruction, censure, manipulation »


L'un des aspects singuliers du nazisme est qu'il a réservé un traitement semblable – enfermement, exclusion, destruction – à certaines catégories d’hommes et à certaines œuvres de l’art moderne qu’il qualifiait de dégénérées. À l’inverse, les mesures de protection de la « race supérieure » s’accompagnaient d’une protection de l’art décrété « sain ». C’est ainsi que dès 1933, année de l’accession des nazis au pouvoir, les premières mesures anti-juives et la loi de stérilisation des êtres anormaux furent promulguées en même temps que furent organisées les premières expositions d'art dégénéré, qui circulèrent à Mannheim, Karlsruhe, Nuremberg, Chemnitz, Stuttgart, Dessau, Ulm et Dresde. Enfin, à la veille de l'ouverture de la grande exposition d'« art dégénéré » de Munich en 1937, la stérilisation pour des motifs raciaux commença de s'exercer sur les Rheinlandbastarde, ces enfants issus de l'union de « mères allemandes » et de soldats noirs durant l'occupation de la Ruhr par l'armée française. Pour justifier ces mesures d’exclusion ou de destruction d’images, les idéologues nazis invoquaient moins l'effet destructeur du mélange des races sur l'art que le danger qu’un art dégénéré produise une humanité monstrueuse.
 

En savoir plus

Un art de l'éternité. L'image et le temps du national-socialisme, Paris, Gallimard,1996.
L’art nazi, A. GUYOT et P. RESTELLINI, Bruxelles, Ed. Complexe, 1999.
Le nazisme et la culture, L. RICHARD, Bruxelles, Ed. Complexe, 2006.
Degenerate Art Exhibition Guide 1937 (ed. F. Kaiser), édition bilingue allemand-anglais, Foxley Books, 2010.